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CORPUS DES VOYAGEURS À ALEXANDRIE - Oueded SENNOUNE - Présentation

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Alexandrie dans les récits de voyage du VIe siècle à 1798

On lit souvent que le récit de voyage est un genre au contour flou dont la codification est malaisée parce qu’il ne suit pas de règles précises et qu’il entretient des liens avec d’autres genres notamment l’histoire ou le roman. Malgré ces considérations, on entend par récit de voyage un texte qui implique le voyage comme sujet de la narration en se confondant avec le voyageur lui-même. Dans cette étude, ne sont retenus que les textes conformes à cette définition. Par ce choix, qui implique un champ d’action spécifique, toutes les périodes historiques ne sont pas concernées. Bien que la littérature de voyage soit abondante dans l’Antiquité, le récit de voyage, tel que défini, n’apparaît qu’au Moyen Âge. À la période antérieure, ce genre ne constitue pas une catégorie. Pour preuve, celui-ci pour être reconnu en tant que tel devrait faire partie d’une classification comme l’histoire ou la tragédie. Il n’en est rien, nous avons plutôt une littérature de voyage sous formes de périégèse, de routiers ou de périple que l’on ne peut ranger dans le genre du récit de voyage.
Prenant en compte toutes les origines, il est néanmoins primordial de distinguer deux groupes qui ont suivi une évolution littéraire différente. Définir ces deux entités n’est pas aisé. D’un côté, nous avons les voyageurs dits « Occidentaux » de langues latine, germanique, slave, scandinave et, de l’autre, les voyageurs dits « Orientaux » de langues arabe, hébraïque, turque, perse, arménienne et chinoise. On aura compris que les « Occidentaux » sont ceux originaires d’Europe. Par conséquent, peut-on parler de voyageurs européens pour cette catégorie ? Il est préférable d’y renoncer. En effet, les Andalous de langue arabe sont également des Européens. Il en est de même des voyageurs juifs faisant partie du groupe des langues orientales et qui sont également originaires d’Europe. Aussi est-il plus pertinent d’établir un classement non pas selon les aires géographiques mais selon les usages linguistiques.
Pour les voyageurs dits « occidentaux », l’origine de ce genre est à rechercher dans les textes des premiers pèlerins chrétiens en partance pour la Terre sainte qui apparaissent au IVe siècle sous la paix constantino-théodosienne. Le christianisme étant devenu religion de l’Empire, la pratique du pèlerinage se développe en produisant une littérature qui ne cesse de croître au fil des siècles. Les deux textes suivants ne font pas partie du corpus présenté dans cette étude, mais il est important de les citer pour comprendre la genèse du récit de voyage. En 333, l’Itinéraire du Pèlerin bordelais, le premier de la série, était destiné à servir de guide aux futurs pèlerins. Celui-ci s’inspire directement des routiers romains qui énumèrent les étapes et indiquent les distances intermédiaires. Mais peu à peu, les pèlerins chrétiens vont se démarquer en enrichissant le texte jusqu’à donner naissance au genre du récit de voyage. Le second texte, Itinerarium d’Égérie (381-384), originaire du sud de la Gaule ou de Galice (Espagne), marque un changement en introduisant un nouveau modèle d’écriture du fait de l’usage du pronom à la première personne très présent dans son récit, même si celui-ci, par certains aspects, rappelle encore les itinéraires romains. Les premiers textes des pèlerins au Moyen Âge sont donc empreints de ces différents modèles, entre l’itinéraire et l’implication du voyageur dans son discours donnant du relief au texte.
En ce qui concerne les voyageurs des langues orientales, l’évolution littéraire suit un tracé différent. Si, chez les voyageurs dits « occidentaux », on note une unité les regroupant dans un fonds commun, ce n’est pas le cas des voyageurs des langues orientales qui se distinguent en deux groupes majeurs. En effet, les voyageurs de langue arabe et ceux de langue hébraïque sont à considérer à part. Pour les premiers, les germes du récit de voyage apparaissent à la fin du XIe siècle dans les écrits des traditionnistes en quête de savoir religieux. Cette littérature a donné naissance à la riḥla (récit de voyage). Quant aux voyageurs juifs, le premier récit s’inspire d’ouvrages de traditions pieuses, mais également des géographes arabes.
Le corpus réunit les récits de 251 voyageurs, 209 « occidentaux » et 42 « orientaux ». Il se présente comme une succession de fiches dans lesquelles de façon chronologique chaque voyageur est présenté individuellement et sans distinction d’origine. Sont précisés le nom du voyageur, la date de son voyage, la référence bibliographique du récit, une biographie succincte – quand cela a été possible – et le texte en dernier lieu.

Oueded Sennoune, Alexandrie dans les récits de voyage VIe-XVIIIe siècles : documents pour l’histoire ou sources historiques ?, Paris, l'Harmattan, 2015.